It’s The War in Syria That Killed Her

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It’s The War in Syria That Killed Her
DCP | 45” | 2015 | Arabic with English subtitles

Lebanon. 2014. Between the Syrian war and the war in Gaza, the region is on the brink of collapse. A man and a woman fall in love. One is Palestinian and lives in the camps, the other, well-off, comes from Beirut’s affluent circles. Their friends respectively wonder about their disappearance. Did she commit suicide? Did they flee together? Did he emigrate to Europe or is he fighting in Syria? All assumptions are woven into everyday conversations that are laden with urban and political contradictions. Impossible love and its challenges, the uncertain future, social cleavages, geographical constraints, life in the camps, the return of the unspoken, fantasies and fear: all are entangled to form incomplete and strange partitions.

With Caroline Hatem, Zalfa Seurat, Ahmad El Khalili, Oussama Abbas Dbouk – Camera: Tala Khoury, Nadim Tabet – Music: Charbel Haber – Voice Over: May Kassem, Youssef Al-Kabra

“It’s the war in Syria that killed her” was shot and shown in 2015 in the framework of Video Works.

In 2012, I had met Syrian artists and architects who came to Beirut escaping death and torture, suddenly becoming refugees. The emotions of fear and displacement that came with them made me confront my own history of war and displacement. It created questions and perspectives, to re-understand the fragility of someone without official papers. Rampant racism and discomfort embedded in their everyday life. One year later, I met with my co-director Nadim Tabet from “Summer 91” to start this short film that builds on the stereotypes of each extreme meant to exemplify the absurdity of how one group sees the other.

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Samer m’a dit

C’est difficile à exprimer. Il y a tellement de choses qui se passent, confuses…

Il n’y a pas de Peur. Il y a quelquechose… quand tu vis une grande Peur tu arrives a une sorte d’Ironie, mascarade. Lorsque tu arrives à un point ou il se peut que la mort te frappe a tout instant… Il se peut qu’il y ait beaucoup de crainte sur la route mais lorsque tu arrives à ce point, tu as déjà epuisé toute Peur possible. La situation devient drôle. Et à chaque moment je riais de cette situation.

Avant tout Beyrouth n’est pas un endroit… C’est vrai que c’est un endroit ou je suis venu de la Syrie en Guerre, mais en fait elle n’est pas stable, tout comme ta propre situation manque de stabilité. C’est une étape apres la Guerre et toi tu est toujours dans la Guerre ce qui crée une marge etroite : les libanais sont concernés, les syriens…  Ce qui est different aussi c’est que tu ne vis pas dans le Camp. C’est-à-dire que quand tu vas parfois au Camp, tu penses que tu aurais pu être ailleurs. Quand j’y vivais, je n’avais pas ce sentiment de fardeau. Aujourd’hui quand tu t’y rends et que tu vois les Catastrophes des Palestiniens qui vivent dans les Camps avec en plus les Catastrophes des Palestiniens de Syrie et celles des Syriens… Même la Conversation contribue à une forme d’abattement, c’est une Conversation qui du matin au soir parle de voyage, exil, aides mais sans résultat. Tout le monde parle de voyage, les gens veulent sortir de cette Situation, mais en même temps tu ecoutes cette Conversation et  tu ne peux rien faire sur le plan personnel , tu est impuissant. Tu penses faire face a ton niveau, puis tu écoutes à nouveau les nouvelles en Syrie…

                                                                                                                                                 Beyrouth, fin Avril 2014

Comment  te sens-tu aujourd’hui ?

Comme chaque jour.

Que veux-tu dire ?

C’est difficile à exprimer. Il y a tellement de choses qui se passent, confuses…

Quelle est la signification de cette Confusion ?

Confusion? C’est-a-dire qu’il y a beaucoup d’´´venements qui se passent, de choses auxquelles on pense, avec tout ce qu’il y a au niveau de la Region etc., ce qui rend les choses difficiles à apprehender.

Quand tu dis Confusion, c’est dans ta tête ou englobe-t-elle également les choses alentour ? Cette Confusion te concerne-t-elle ou est-ce qu’elle est aux alentours ?

Elle est presente  dans l’Environnement autour, mais cela se répercute dans  la tête.

Comment était ta Vie avant le declenchement de la Guerre ?

Moi ? Comme maintenant.

La même chose ?

Il n’y a pas beaucoup  de différence. Crois moi.

Vraiment, dans les details ?

Pas dans les details, en général. En général, la relation avec  la Stabilité, le Lieu, l’Environnement, les Gens. La Peur n’est pas la même, surtout avec la Révolution, mais elle a toujours été la.

C’est-à-dire que la Peur était toujours là ?

De manière assez grande, assez présente, parce que des le départ, il y a un problème avec  le Lieu et avec ce qui se rapporte à la Mémoire de l’Enfance : comment… ma Mére est originaire de Beddawi, comment  on devait faire pour se rendre de Damas au Liban, la difficulté de la route, passer la Frontiére de manière parfois illegale… depuis ce temps de l’enfance déjà  la Peur est là.

C’est-à-dire que depuis l’Enfance, tu sentais déjà cette Peur, tu sentais déjà qu’il y avait une Situation.

C’est ça, il y a des images qui restent dans la Mémoire, la Peur au moment de franchir la Fontiére, celle qui étreint ta Mére  alors que tu es assis à côté d’elle, le moment ou elle se met à lire les Versets du Coran pour qu’on puisse passer la Frontiére sans que personne ne dise rien, lorsqu’elle se met à implorer la Volonté Divine…

C’est-à-dire à quel âge est-ce que tu as commence à comprendre le sujet ?

Ce n’est pas arrivé comme cela soudainement. C’est assez progressif. Dés l’age de 5,4 ans, je me rappelle de moi sur un âne avec mes valises et Samir et Leila, mes fréres et sœurs, avec ma Mére, marchant à côté de l’âne au moment de passer la riviére à Daboussie, entre Homs et Tripoli pour arriver à Tripoli chez les parents de ma Mére, alors qu’on venait de Yarmouk. La difference qu’on percoit enfant entre les langues, l’Etat de la Societé,  les Vestiges de la Guerre qui etaient toujours presents ici, toutes ces images ne sont pas nées subitement. Quand j’etais petit, ma Mére me mettait a table et chantait DEMANDER, je me rappelle toujours de sa Voix. Tout ce climat politique a influé avec tout ce qui a trait a l’Identité, l’Identité politique et les Cassures qui ont eu lieu avec leurs Consequences. Il n’y avait pas de Separation entre les choses.

La vie dans le Camp du Yarmouk avait ses particularités, parce que c’est un Camp ouvert, il avait aussi son Activité Politique, liée à la Situation Politique Palestinienne. Egalement, les gens du Camp se considéraient comme Palestiniens et assez liés au projet Revolutionnaire alors présent. En 2ooo, il y a eu aussi  les effets de l’Intifada qu’on a suivi et qui a eu ses Conséquences sur la Région et sur notre Prise de Conscience, avec un espace permis pour les Manifestations de Jeunes… les Choses étaient alors assez définies suivant les significations anciennes et reconnues, l’ennemi était connu, DEMANDER il y avait un accord partage.

Donc toi tu vivais où exactement avant la Guerre ?

A Yarmouk.

Tu y étais tout le temps ?

Oui.

Tu le quittais seulement lorsque vous veniez au Liban. Quand est-ce que vous y veniez ?

Jusqu’à l’age de 13-14 ans, nous y venions en Eté, lors des Vacances scolaires, a Beddawi chez les parents de ma Mére.

Qu’est-ce que tu preferais ?

Ce que je préférais ? J’aimais bien Beddawi. Le Yarmouk… Quand j’etais petit, je préférais  Beddawi. C’était un endroit  plus petit, assez convivial, entouré de nature, je sentais quelquechose. Même les détails, les photos de la Maison de mon Grand-Père qui élevait des poules prés du terrain. C’est la quelqechose de perdu de notre Mémoire et de la leur. Ça rappelle la Palestine. L’image de la Palestine était d’une certaine manière presente a Beddawi.

C’était comme si c’était la Palestine, comme si.

C’est comme si c’était le lieu d’où venait  ta Mére, ta Tante, ton Grand-Père, les Villages.

De la Palestine.

C’est ce qui nous manque. Parfois tu te retrouves avec des amis Libanais, Syriens et ils se mettent à te raconter leur visite au Village, à la Maison de  leur Grand-Père, la Cueillette du raisin, la fabrication de l’Arak… Tu sens que cet aspect est manquant chez toi, à part dans l’Illusion, le Rêve, les Histoires, Recits, Blagues qui disent qu’on était ainsi… Donc a Beddawi, l’Environnement était plus proche de ce que l’on recherchait.

Peut-être est-ce un peu tôt pour te demander cette question, mais est-ce que tu peux me raconter ce par quoi tu es passé durant cette Guerre qui a commencé il y a trois ans ?

Cela se rapproche de ce que l’on disait, pourquoi  il n’y avait pas une grande difference entre l’avant et l’aprés. Avec l’Intifada et ce qu’elle a eu comme résultat Politique sur le terrain, cela a eu des Conséquences sur tes Sentiments ainsi que sur ta Prise de Conscience Politique, et avec les Evénements qui avaient lieu dans la Region, c’est-à-dire la Guerre de l’Irak de 2003, celle du Liban de 2006, avec la  présence en 2007 des Refugiés Palestiniens à la Frontiere Irako-Syrienne qu’on a filmé… la Guerre était présente partout. Les Palestiniens étaient également marques par l’Irak. La Guerre en Irak avait ses conséquences, tout cela fait qu’il y avait constamment une situation qui influait. La Syrie vivait toujours en Etat de Guerre tacite, bien qu’indirectement. Il lui arrivait d’avoir un rôle également comme avec le Liban. Mais cette éxperience avec les Palestiniens à la Frontière te marque vraiment et a été une des causes de la Peur assez présente, dans la mesure ou tu vas voir des gens vivant dans une Région abandonnée, dans un no man’s land entre deux Frontières sans qu’ils ne puissent franchir un côte ou l’autre et ou rien n’a un sens. Chaque matin, ils se doivent d’inventer un  sens à la vie. Cette expérience te marque parce que la Situation des Palestiniens de l’Irak est proche de celle de ceux de Syrie avec le Parti Baath qui sous des slogans divers… donc certainement avec le déclenchement de la guerre en Syrie, cela t’améne à être concerné encore plus parce que tu vis une Situation que tu vois de prés, qu’il te faut confronter, que tu vis, avec cette Peur, et avec l’Expérience de l’Irak et cette guerre en Syrie, tu vois qu’il y a quelque chose au niveau general et qu’en tant que Palestinien, ton Destin… même si le citoyen syrien méne une vie vie plutôt acceptable…

Donc, pour en revenir à la Peur, on peut dire qu’elle était toujours présente même avant la Guerre puisque tu t’es eveillé dans ce contexte là.

Dans une certaine mesure. En fait, il y a autre chose. Il est sur que ce qui s’est passé est une tragédie et que ça dépasse l’entendement. Personne ne s’attendait à ce que ce qui se passe aujourdhui  soit possible. Même durant les derniers jours de la Révolution pacifique, lorsque le feu et le sang ont commencé, personne ne pensait que ça allait en arriver à ce niveau d’horreur. D’un autre côte, on est toujours dedans et tout ce qui s’est passé, tu n’arrives toujours pas à le realiser. Il y a aussi le fait que tu te sens pris dans ce qui se passe. Aujourdh’hui tu te trouves a Beyrouth, peut-être d’une manière differente des autres fois mais tu ne sens pas la différence parce que c’est une situation qui n’a pas  vraiment changé et en même temps peut-être que tu as du mal à realiser ce qui se passe vraiment ou tu n’est tout simplement pas assez eveillé.

Je voulais également te demander ton avis sur ce qui se passe, quel est ton opinion sur cette Guerre ? qu’est-ce que tu penses de cette Guerre ?

La Guerre est une Guerre, c’est une Guerre dure, sanglante, horrible et on en voit les images. C’est une Guerre qui n’a pas vraiment arreté dans cette Region, avec son horreur… Mais avant la Guerre en Syrie on entendait parler de la Mémoire de la Guerre, avec ce qui concerne l’OLP, les Fedayin, le Liban et il restait généralement le côté beau de cette Mémoire, meme de la Guerre si elle peut avoir un beau côté, avec l’experience que les gens ont eu de la Révolution… mais on écoutait aussi les histoires de massacres, de choses horribles qui avaient eu lieu. Mais aujourd’hui tu vis la Guerre, tu la vois chaque jour à la television et cela abolit la distance avec elle. Tu vis la Guerre et tu te rends compte chaque jour de ce que c’est. Aujourd’hui, quand tu penses un instant à ce qui t’arrive et à ce qui se passe autour de toi, tu sens que l’idée de Déracinement est tres difficile a vivre, le fait que tu sois un Déraciné. Nos Parents et nos Grands-Parents étaient des Déracinés de Palestine mais malgré tout ce que tu pouvais imaginer sur cette idée de Déracinement, il était impossible d’en arriver à ce que tu vis aujourd’hui. Tu vis vraiment cette Situation et ce ne sont plus des mots abstraits.

Est-ce que tu rêvais avant  la Guerre ? Est-ce que tu avais un Rêve qui s’est envolé ? qui est reste ? Avant la Guerre ?

Oui. Ca existait avant la Guerre et aprés. Il n’y a pas beaucoup de differences. Il y avait des impressions, des éclairs etc. que j’ai du mal jusqu’à maintenant à saisir. Comment tu passes par différentes étapes, ce sont des choses qui restent : les voix restent nuit et jour ainsi que les gens, les images… surtout que je suis toujours dans cette atmosphere.

Quel était ton Rêve, celui dont tu dis qu’il est toujours présent ?

Mes Rêves etaient assez réalistes. Tu rêves à continuer de vivre dans le monde que tu connais, de continuer à vivre une belle vie.

C’est ton Rêve. De mener une vie Normale. Et que veux dire Normal pour toi ?

Ce n’est pas que c’est Normal. On pense toujours à vivre une vie meilleure. L’idée est que le Normal… Lorsque tu te mets a voir la vie en marge avec ses particularités, les gens, tu te mets à croire que tout est particulier, que chaque être humain… quand tu coopéres avec des gens… moi, je coopére avec beaucoup de gens sur beaucoup de details et à la fin il y a toujours un désaccord sur un point particulier. Quand tu fais face a l’experience des Palestiniens  Irakiens à la Frontiére, ou chaque matin ils font face à cette insignifiance et à cet absurde, tu te demandes comment ils voient le monde, que veux dire Normal pour eux. En fait, depuis cette époque, tu est amené a comprendre les choses différemment, à voir la vie comme Temps. Quand tu vois qu’en une generation, une  même personne est sortie d’une tente en Palestine et a terminé dans une tente, tout se trouve remis en cause.

Est-ce que tu crois que tu était grand enfant, quand tu comprenais cette Peur, cette Situation,est-ce que tu te considérais mature ?

Oui, responsable, porter une responsabilité.

Tu sentais que tout ce que tu vivais n’était pas de ton âge ?

Ce n’est pas que ce n’était pas de mon âge mais il y a quelquechose depuis que je suis petit… j’etais quelqu’un d’assez calme, même maintenant,  j’écoutais et pensais… pas de manière trop voyante, de mamiere cachée.

C’est d’ailleurs pourquoi j’ai ce coup sur la tête.

Ces deux ans que tu as vécu seul en Syrie alors que ta famille avait déjà quitté, tu les as vecus comment, Seul ? As-tu eu Peur ?

Ta Famille te manque par moments mais on n’habitait pas la même Maison et il se passait parfois un temps où je ne les voyais pas, j’étais à côté avec des jeunes, camarades, amis, tout ce monde et ces choses… et le fait que je sois militaire a joue ce qui fait que la vie que je menais a rendu les choses moins difficiles pour moi que pour eux de vivre loin. Je les voyais surtout chez Samir, tu vivais les details… mais je n’etais pas vraiment impliqué, je ne pensais pas trop à ce côté là.

Mais le fait que vous soyez loin, est-ce que ca t’amenait a réaliser qu’ils etaient génés. Le fait que tu sois à l’Armée, est-ce que tu pensais à ça ou non ?

Non, je comprenais cette Situation mais je cherchais à me rassurer. Durant la Guerre, ma  Mére avait déjà des responsabilites : elle vivait les évenements du Yarmouk, elle avait déjà connu la Guerre au Liban. Elle avait une certaine experience de la guerre et elle a senti  le danger. Elle a quitte tôt, s’est rendue à  Alep  chez mes oncles puis à Lattaquié, dans les Régions où elle pouvait être plus sûre. En plus, comme ils etaient trois avec des petits, il a fallu laisser quelqu’un au Liban et aller à Alep amener quelqu’un d’autre. Moi et Samir… Il est sur que les Mères et Père s pensent plus que toi.

Est-ce que tu as eu Peur durant cette période ? As-tu fais l’experience de la Peur durant la Guerre ?

Pas la Peur. Il y a quelquechose… quand tu vis une grande Peur tu arrives a une sorte d’Ironie, mascarade. Lorsque tu arrives a un point ou il se peut que la mort te frappe a tout instant… Il se peut qu’il y ait beaucoup de crainte sur la route mais lorsque tu arrives à ce point, tu as déjà epuisé toute la Peur possible. La situation devient drôle.

Est-ce que tu as ressenti cela ?

Certaines fois oui. D’une manière générale, la Peur était toujours présente. Une fois on a fui de l’Armée moi et 12 hommes. Lorsqu’il y a eu le premier affrontement, on a fui. On est resté jusqu’au matin puis on a marché. On nous a arreté à un barrage. Au moment de l’affrontement, durant la nuit, il y a de la folie. L’Armée libre c’est aussi une histoire a elle seule. C’est comme les films de Costarica ?chacun se retrouve de son côté. C’est une mascarade. Et il y a la mort en jeu. Sur la route il y avait cette Peur et lorsqu’on a été arreté c’était également d’une manière… Nous étions dans trois voitures qui se suivaient. Lorsqu’ils ont arrete la premiere voiture, ils ont fait descendre les trois hommes, puis c’était la seconde et on savait qu’ils venaient vers nous et qu’ils allaient nous emmener. Du debut de la route jusqu’à notre descente et notre entrée dans la chambre…

Vous ont-il frappés ?

Bien-sur, nous étions de l’Armée.

Avec quoi ?

Les batons…

Ne me dis pas. Avec les mains ?

Oui, avec des batons, les mains, les fusils.

Avez-vous été blessés ?

Non, ils ne nous ont pas beaucoup frappés. Ce qui s’est passe c’est qu’ils nous ont mis dehors au soleil pendant un long moment. Puis un officier assez extrémiste est arrivé et tout en criant, injuriant, il a sorti  le kalachnikov et s’est mis à nous menacer de mort. Donc tu te rends compte a cet instant qu’à tout moment… Même si tu veux rigoler de cette mascarade, tu ne le peux pas. Moi-même, je ne sais pas pourquoi. Ce qu’il y a c’est que quand on s’est retrouvé dehors sous le soleil, on avait Peur, et lorsque tu te retrouves ainsi a un moment proche de la mort, c’est assez proche de la mort en elle-même, tu sens qu’on est déjà mort, qu’il n’y a plus rien. La Peur existait aussi. La montée au barrage… Moi j’étais un soldat. Je cherchais toujours à me rassurer. Je profitais de la corruption dans l’Armée, je payais l’officier (et il fermait les yeux sur le Camp). L’Armée libre a d’ailleurs aussi une approche nationale dans ses relations, fraternelle. Ma  relation avec elle était bonne. De toute façon l’ASL se retrouve dans une certaine impasse car ils vont etre obligés de s’appuyer sur le rôle des Palestiniens comme le Régime l’a fait au Liban ? Donc je cherchais constamment à me rassurer. Je suis dans l’Armée, et dans le pire des cas ou ils m’arrêtent et qu’ils m’emménent à la Gendarmerie militaire, la Situation légale est que l’officier dont je depends envoie une lettre affirmant que je ne suis pas dans l’Armée meme si ça prend un peu de temps. C’est ce que je m’imaginais mais en fait les choses n’etaient pas ainsi. La Realité c’est qu’il n’y avait pas de garanties et que l’on pouvait disparaître au barrage pour n’importe quelle raison. Mais en meme temps il fallait que j’y monte, il faut faire face. En meme temps, la Situation a l’interieur du camp était pareille : obus, francs-tireurs, bombardements. Même les combattants a l’intérieur… les gens du dedans comme du dehors étaient à la même enseigne. La mort régnait partout.

Est-ce que tu as été temoin de scénes difficiles ? As-tu été confronté à quelquechose ? Tu  peux ne pas en parler si  tu le veux.

Tu te sens aujourd’hui  un peu fauché… il y a tellement de choses dans la tête.

As-tu perdu des amis, des gens que tu connaissais ?

Oui.

Tu peux ne pas en parler si tu trouves que c’est encore tot.

Par rapport à notre début de conversation, toutes les péripeties… ça te perturbe.

C’est donc un peu tôt pour en parler.

Dans une certaine mesure oui.

Est-ce que tu te considéres comme un Survivant ? As-tu eu de la chance ?

Oui, j’etais chanceux. Les choses sont liées… avant,  je n’avais pas ce sentiment mais quand tu revois les évenements, tous ces endroits… tu te dis que j’ai vraiment eu de la chance d’en réchapper. Avant cela, quand on était allé en 2007-2008 à la Frontiére Irako-Syrienne sans autorisation de filmer… en fait, dés la plus jeune enfance, tu t’habitues à être dans l’illegalité, toujours menacé, tu apprends a ne compter que sur toi parce qu’il n’y a pas de garanties, tu as été habitué à vivre depuis enfant sans garanties aucune, en fait c’est le contraire même, rien ne garantit ton existence et tu apprends a prendre les choses ainsi. Tout ce qui s’est passé fait que tu te vois aujourd ‘hui comme chanceux même si les choses continuent et qu’on est en plein… meme au Liban tu ne te sens pas stable, les choses restent les mêmes en tant que Palestinien.

Comment tu te sens aujourd’hui au Liban, en tant que Citoyen ou en tant que Refugié ? Qu’est-ce que tu sens ?

A la base, tu ne sens pas  vraiment la Citoyenneté. En fait, ce sentiment est très vague dans le Monde Arabe. Tu ne peux pas juger parce que tu n’as pas vécu cet etat, même dans les pays arabes ou tu étais refugié.

Donc comment tu te sens toi ? Ton Statut ? En Suspension ?

Je ne sais pas. En fait ça se melange et c’est en même temps une situation nouvelle. Ca se mélange parce que cette ville est assez présente dans la Mémoire de la Présence Palestinienne. Elle est assez présente dans ta  Mémoire et dans les histoires de plusieurs Génerations Palestiniennes comme celle de ton Père, tes Parents… L’Experience des Palestiniens quant a l’Identité collective, quant à ce qui concerne la Révolution Palestinienne, l’OLP… Mahmoud Darwich est  quelquechose de trés important par rapport à la Présence Palestinienne et sa relation à Beyrouth laisse des Traces. Et donc toi à Beyrouth, aujourd’hui à Beyrouth, tu te sens faire partie de ça et de ce qui se passe maintenant. Tu fais à Beyrouth une nouvelle expérience : il y a une guerre en Syrie, une Révolution, il y a une Instabilité au Liban, toi tu est toujours Palestinien… Les choses finissent par se mélanger. Avant cela il y avait ce mélange entre l’image de la mémoire et celle d’aujourd’hui, parce qu’il y avait des différences entre comment c’était avant et comment c’est maintenant, ce qui ressemblait et ce qui était different.

Est-ce que vous arrivez à vous melanger ici au Liban, ou est-ce que c’est difficile ?

Avant tout Beyrouth n’est pas un endroit… C’est vrai que c’est un endroit où je suis venu de la Syrie en Guerre, mais en fait elle n’est pas stable, tout comme ta situation à toi qui manque de stabilité. C’est une station aprés la Guerre et toi tu est toujours dans la Guerre ce qui crée une marge étroite : les libanais sont concernés, les syriens…  Ce qui est different aussi c’est que tu ne vis pas dans le Camp. C’est-a-dire que quand tu vas parfois au Camp, tu penses que tu aurais pu être ailleurs. Quand j’y vivais, je n’avais pas ce sentiment de fardeau. Aujourd’hui quand tu t’y rends et que tu vois les Catastrophes des Palestiniens qui vivent dans les Camps avec en plus les Catastrophes des Palestiniens de Syrie et celles des Syriens… Même la Conversation contribue à une forme d’abattement, c’est une Conversation qui du matin au soir parle de voyage, exil, aides mais sans résultat. Tout le monde parle de voyage, les gens veulent sortir de cette Situation, mais en même temps tu écoutes cette Conversation et  tu ne peux rien faire sur le plan personnel , tu es impuissant. Tu penses faire face à ton niveau, puis tu écoutes à nouveau les nouvelles de Syrie…

Comment tu envisages l’avenir, ton avenir ?

ça à rapport avec les rêves de l’éveil, pas avec les ambitions, les idées… Chaque être humain qui vit à une espérance de vivre une meilleure vie qu’il  cherche.

Est-ce que l’idée de Voyage est présente chez toi ? Pour commencer quelquechose de nouveau…

L’idée de Voyage se situe dans le même prolongement, qui se rapporte avec le lien avec le Lieu… ce n’est pas quelquechose qui est apparu soudainement avec ce qui se passe en Syrie.

C’était déjà present.

Ce n’est pas une question de projet, de choix, parce qu’il n’y a pas beaucoup de choix. C’est quelquechose qui a à voir avec la persistance, avec la Présence, le fait que tu sois Présent. Même psychologiquement, en ce qui concerne le projet de l’exil, il y a ce qui t’en empêche. Donc  la question devient non pas pourquoi tu veux voyager, est-ce que c’est un choix, mais pourquoi tu ne peux pas le faire, comment  voyager si tu n’arrives même pas a te déplacer de manière plus reduite. Sur le plan personnel, ces questions se posent et elles sont liées à ta Mémoire, à ton éducation, le climat dans lequel tu as vecu. Comme on vient d’une histoire chargée de défaites, scissions, effondrements, la question se posait toujours à nos  proches, à mon père… que le pays n’a pas d’avenir, qu’il  va vers l’enfer, qu’il faut le quitter, parce qu’ils ont eux vecu cela a un moment ou c’était mal accepté avec la Revolution Palestinienne, ses slogans… Aujourd’hui, avec les effondrements, les choses ne se posent meme plus en tant que choix, c’est devenu une obligation morale de tout arabe vis-à-vis de lui-même en premier lieu et particulièrement le Palestinien parce qu’il n’a pas un lien avec un endroit, donc il faut aller voir ailleurs, voir différentes identités, nationalités…

Donc ce n’est pas de l’ordre de l’idée, c’est quelquechose qui doit se passer, il n’y a pas d’autre solution.

Et ce qui est en train de se passer aujourdhui renforce cela. La Syrie a toujours vécu en Guerre, avec ses conséquences, mais de manière contenue. Aujourd’hui, il est desormais clair que cette Guerre ne laisse plus beucoup de choix. On ne peux plus se demander pouquoi on voyage. Les gens vont se jeter dans la mer pour fuir cet enfer. Les gens se jettent à le mer pour arriver en lieu sûr. La Mére de Hasssan est venue récemment et elle voulait se rendre en Libye par voie de mer, sur bateau.

Pourquoi la Libye ?

La route passe aujourd’hui par la Libye. Beaucoup se rendent aujourd’hui en Libye avant de se rendre en   Italie.

Seule ?

Non avec son fils Marcel.

Aujourd’hui , si tu peux t’en aller…

Combien ca coute ?

5000$ par personne.

Imagine toi donc que le Voyage de la mort devient un exploit.

C’est comme ça qu’a fait ton Père ? Il a pris un bateau.

Oui, mais il a traversé un océan. 

Comment  s’en est-il  allé ?

Il est allé en Malaisie, puis en Indonésie, aprés clandestinement.

Comment est-il arrivé en Malaisie ?

Par avion.

Il n’y a pas de probléme de Visa ? De la Malaisie il a pris le bateau.

De la Malaisie a l’Indonesie, je ne sais pas, par avion. Puis vers l’Australie, par avion ou bateau.

Combien ça prend de temps ?

4 jours.

Il est toujours sur une Ile ?

Oui.

Mais vous, vous avez de la famille en Australie ? Qui y sont depuis longtemps.

Ca fait longtemps, 12 ans. Il y est allé clandestinement mais il s’est marié, installé. Mahmoud y est allé depuis 3 ans.

Est-ce que tu veux encore me dire quelquechose ? Ajouter quelquechose ?

Je suis un peu perturbée.

On peut arrêter.

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